Notes de présentation du projet par Pierre Riboulet

Publié le 3 mai 2011 Mis à jour le 12 novembre 2012
 

Les difficultés présentées par ce projet tiennent plus au site qu'au programme même du bâtiment. Les nécessités fonctionnelles d'une telle bibliothèque sont en effet clairement établies et les réponses que l'on peut y apporter, en ce qui concerne notamment la séparation des circuits des livres et des lecteurs sont connues. Le site en revanche est ici d'une complexité redoutable. Il faut en effet s'insérer entre deux bâtiments existants, assurer leur liaison alors qu'ils sont séparés par une centaine de mètres et qu'ils sont à des niveaux très différents, le tout étant posé sur une nappe de voitures en stationnement pour lesquelles il faut conserver le maximum d'emplacements. Qui plus est la bibliothèque, pour des raisons de crédits disponibles, doit être construite en deux tranches, la seconde n'étant pas, à ce que l'on peut comprendre, absolument assurée.

En réponse à ce faisceau de contraintes, le projet propose d'installer la première phase de la construction non pas à l'ouest du terrain qui nous est affecté, mais au nord, la deuxième phase se développant par conséquent vers le sud. Ce dispositif présente quelques avantages :

  • La liaison entre les deux bâtiments de l'Arche et de la Recherche est assurée dès la première phase au moyen d'un passage direct, rectiligne.
  • Cette première construction à elle seule -même si la seconde n'advient pas- assure la composition du site et en particulier la mise en relation volumétrique des bâtiments existants, sans laisser d'espace résiduel.
  • On peut déployer dès l'origine une belle façade exposée au nord, ce qui paraît être la meilleure orientation, évitant la chaleur et procurant une lumière égale et douce. Ceci permet en particulier d'installer une longue salle de lecture sur deux niveaux bénéficiant de grands volumes.
  • Le doublement de la figure s'opère plus simplement vers le sud, les deux parties du bâtiment se rejoignant sur un plus grand linéaire, dans le sens longitudinal plutôt que transversal.
  • Ce parti est clair et immédiatement lisible. Il s'inscrit dans le système général des circulations piétonnières de l'université. Ce point me semble important. Il est vrai que c'est un des attraits de cet endroit que d'observer l'activité intense des déplacements dans les galeries orthogonales qui desservent tout l'ensemble.

Afin d'assurer les nouveaux passages, il convient d'installer un dispositif particulier dans la coupe longitudinale du bâtiment. Nous proposons de fixer le niveau de référence de la bibliothèque, c'est à dire l'étage public, celui de l'entrée à la cote 14o NGF. Ce faisant, nous sommes à deux mètres au-dessus du niveau de l'université (146 NGF) et 1,85 mètre au-dessous du deuxième étage du bâtiment de la recherche (149,85 NGF). Ces deux différences de niveau sont compensées par deux rampes à faible pente (5%) longues d'une quarantaine de mètres chacune, à l'est et à l'ouest. Une belle partie plane d'une quarantaine de mètres chacune, elle aussi, permet en particulier d'installer l'entrée au centre même du bâtiment.

Nous proposons par ailleurs d'installer le parc de stationnement à la cote 142 NGF, c'est à dire de le surbaisser d'un mètre par rapport à son niveau actuel. La grande majorité des voitures est ainsi conservée, en restant à l'ai libre -c'est à dire sans avoir les inconvénients d'un sous-sol, le périmètre restant ouvert- mais en étant cependant dissimulée à la vue.

Entre les niveaux 142 (stationnement) et 148 (public). On peut installer un plancher à la cote 144,60, affecté aux magasins et au service intérieur.

L'essentiel des fonctions est ainsi assuré, ce qui signifie que l'ensemble des plateaux supérieurs (152 et 156 NGF) peut être consacré aux salles de lecture et aux ouvrages en libre accès, sans aucune contrainte.

 

Implantation du programme

Le bâtiment, à terme, se présente comme un grand rectangle en plan de 86 mètres par 53 mètres. En première tranche, ce rectangle est réduit à 35 mètres en largeur. Deux rampes partent du bâtiment de l'Arche. L'une à l'extérieur, raccordée à l'esplanade (et à ce propos les emmarchements rejoignant le sol naturel au niveau 143, sont remaniés et élargis), l'autre à l'intérieur en prise directe sur le hall central de l'Arche distribuant les amphithéâtres et qui est un lieu, nous a t-il semblé extrêmement actif. Les deux rampes conduisent au niveau 148, à l'accueil hors contrôle, comportant le hall lui-même, la salle d'études et les sanitaires. Ainsi un fonctionnement peut s'établir d'ores et déjà entre la bibliothèque et l'Arche, pour des activités de lecture ou d'exposition ou mieux encore de librairie, si l'idée qui est évoquée dans les plans d'origine de l'Arche était reprise.

A partir du hall hors contrôle, deux possibilités se présentent, soit de ressortir dans une longue cour garnie d'arbustes en pots, cour ombreuse et bien protégée (qui, en première phase est une terrasse au contraire exposée au sud) et de là gagner la seconde rampe menant à la maison de la recherche, soit d'entrer dans la bibliothèque en traversant le dispositif de contrôle approprié.

Directement en face est situé l'accueil sous contrôle desservi par deux cabines d'ascenseurs permettant le service des livres à tous les étages. Sur ce même plan et jouxtant l'accueil se trouve la salle des références et l'ensemble du programme des périodiques et du CADIST. C'est également du point d'accueil, qui centralise tout comme il convient, que partent vers le haut l'escalier et l'ascenseur publics desservant les étages de lecture.

Dans la partie basse, on trouve au niveau 142 sur le côté ouest, la réception desservie par une aire pouvant accueillir deux camionnettes, ainsi que les services de biblio économie, tandis que l'entrée du personnel est située du côté nord, sur le mail, le tout est en communication avec les deux ascenseurs de charges, évoqués ci-dessus. Au niveau 144,60 se trouve l'essentiel des magasins (qui viendront en seconde phase, une certaine partie étant construite cependant en première phase, laissée brute et sans équipement mais qui pourrait cependant être très utile en tant que relais du magasin actuel), ainsi que tous les autres bureaux du service intérieur qui se déploient sur la façade nord, face au mail.

  

Architecture du bâtiment

Si l'on excepte le socle (stationnement et magasin) qui va constituer une sorte d'aire en creux et en retrait, "décollant" le bâtiment lui-même, la recherche architecturale a porté principalement sur l'espace intérieur des trois niveaux publics, en alternant les lieux de simple et de double hauteur, et sur la distribution de la lumière.

Nous avons délibérément privilégié l'orientation au nord qui nous semble la meilleure pour la régularité de la lumière, pour l'absence de réverbération, sans parler de l'aspect thermique, lui aussi beaucoup plus favorable dans une région où les étés sont aussi chauds qu'à Toulouse.

Espace et lumière se conjuguent. En coupe transversale, la salle de lecture est à deux niveaux, le niveau supérieur s'ouvrant en mezzanine sur le niveau bas, procurant de ce seul fait la sensation et l'émotion qui conviennent à un lieu voué au plaisir de la

lecture, au calme et à la concentration, mais aussi au rêve, à la méditation vagabonde. Le côté sud étant fermé, le volume supérieur se prolonge au-dessus du toit de manière à former une sorte de capteur de lumière qui illumine la paroi intérieure d'une clarté dont on ne voit pas immédiatement la source. Un mystère s'établit favorisant là encore l'imaginaire. Les parties en simple hauteur, moins lumineuses accueillent favorablement les rayonnages tandis que les tables de lecture s'approchent des fenêtres ou sont installées en continu en balcon sur la double hauteur.

Nous espérons ainsi, pouvoir créer une ambiance particulière dans ces lieux, faire qu'ils ne soient pas anonymes, banalisés, comme on le dit aujourd'hui. Une bibliothèques, recèle toujours, malgré la profusion des supports immatériels qu'elle accueille, leur instantanéité, l'étrange rapport qu'ils installent pouvant à la limite faire douter de la réalité des choses, recèle toujours, certaines valeurs qui tiennent du temple, d'un lieu où l'on perçoit, même de manière fugitive, qu'on pourrit avoir à faire avec l'infini, avec le temps. C'est pourquoi il nous a paru nécessaire de donner un certain caractère à ce bâtiment, dans son intérieur, comme il vient d'être dit, mais aussi dans sa manière de se manifester à cet endroit. Il est revêtu de briques, entièrement -Toulouse oblige, bien que l'environnement immédiat, semble l'avoir oublié- ce qui lui confère cette chaleur irremplaçable, cette plénitude et cette unité, que l'on sentira, espérons nous, dès l'entrée.

Il n'est pas un bâtiment ordinaire, déterminé seulement par son utilité immédiate. Il doit dire autre chose, de plus permanent, de plus essentiel. C'est du moins ce que nous avons tenté ici. C'est dans ce sens qu'il faut entendre l'intégration à l'environnement : non pas une imitation tendant à effacer le bâtiment entre l'Arche et la recherche, mais au contraire une démarcation, l'affirmation d'une singularité -et en effet il n'y a bien qu'une bibliothèque dans l'université-. C'est pour montrer cela que la brique a été choisie, ainsi qu'un registre de formes affirmées, dont on sent le poids gravitaire évoquant la durée, la pérennité. Tout ceci n'interdit pas, on l'a vu, une certaine aménité.

Une petite finesse devra être observée entre la première et la seconde tranche. Le passage public qui au début s'installe au sud du bâtiment et dispose d'une belle terrasse plantée exposée au sud, devient ensuite -l'autre moitié construite- central et affecte la forme d'une cour longue et protégée. Ce passage dans le bâtiment à terme crée une contrainte fonctionnelle puisqu'il sépare, au niveau 148 les deux plateaux de lecture. c'est la raison pour laquelle il est proposé deux enjambements, l'un en passant dessous, du côté est, l'autre en passant dessus, du côté ouest avec une passerelle à mi hauteur raccordée au palier intermédiaire de l'escalier principal. dans le cœur du bâtiment seront créés ainsi plusieurs passages croisés qui vont enrichir sa perception et lui donner -le mouvement nombreux des étudiants aidant- toute son intensité.